L’église Saint-Servais, construite entre 1871 et 1876, est un monument classé dans sa totalité depuis 2003.
Œuvre de l’architecte Gustave Hansotte, elle est l’une des églises néogothiques les plus monumentales de Bruxelles. Elle possède toujours son mobilier tels que sa chaire de vérité, ses confessionnaux, ses stalles en bois sculptés, ses autels...Toutes ces réalisations sont signées par les plus remarquables artisans de l’époque. L’église conserve également le plus grand orgue de Bruxelles.
L’église domine l’avenue Louis Bertrand qui fut pensée comme une large perspective s’élargissant dans sa partie basse, bordée d’immeubles de prestige, et menant au parc Josaphat.
Suite au constat de l’état alarmant des pierres de façades et à des chutes de pierres, la Commune de Schaerbeek a lancé le projet de restauration, avec le soutien de la Direction du Patrimoine culturel de la Région de Bruxelles-Capitale (urban.brussels).
Le bureau d’architecture Ma² a mis au point une méthodologie de restauration rigoureuse grâce à des études historiques et une approche scientifique.
Les travaux, entamés en 2016 et achevés au cours de l’été 2019, ont permis la restauration de l’enveloppe extérieure à savoir les façades, les vitraux, les toitures basses mais également les grilles en fer forgé entourant l’édifice.
Un projet d’aménagement des jardinets entourant l’église est en cours.
Histoire de la paroisse St Servais :
L’histoire de la paroisse est très liée à celle du « village » de Schaerbeek.
Elle en fut d’ailleurs la seule paroisse jusqu’au 19eme siècle.
En 1795, suite à la dislocation du duché de Brabant, le village de Schaerbeek (de même que St Josse et Evere) sera du ressort de Woluwe-St-Etienne. Ce n’est qu’en 1800 qu’il devient commune.
Il n’existe aucun document historique avant le 12eme siècle à propos de « ce coin perdu ».
Cependant, des traces d’habitat existent depuis l’âge du fer, celtes, puis les Nerviens, venus d’au-delà du Rhin vers 200 avant J.C.
A l’époque romaine, il y eut certainement occupation humaine (sans doute très minime).
En 1861, deux tombes romaines furent trouvées chaussée de Haecht, ainsi que des pièces de monnaie à l’effigie de l’empereur Hadrien (117-138 après J.C.), d’autres à celle de sa fille, épouse de l’empereur Antonin le pieux.(138-161).
Le village de Scarenbeka doit sont apparition à sa situation géographique :
2 ruisseaux, le Maelbeek et le Josaphat, se croisent, avec un gué, et forment un triangle (Dries) qui sera le centre du petit hameau (actuellement place de Jérusalem). Deux chemins les longent :
le plus ancien (Neerweg), auj. rue Discaille- Brand et Josaphat, et le sentier de la vallée du Josaphat qui rejoignait la forêt de Soignes (qui à l’époque arrivait presque jusque là). Un troisième chemin part du gué vers l’actuelle chaussée de Helmet.
Il y avait également tout un chapelet d’étangs (une soixantaine depuis La Cambre jusqu’à la Senne.)
Le nom Scarenbeka pourrait venir du confluent en forme de ciseaux (« scaren ») des deux ruisseaux
(beek).
La zone est stratégique et économique, car elle se trouve non loin de grandes routes romaines :
Bavai- Mons, Assche, Gand, Bruges ; celle de Bavai, Waudrez- Gembloux, Perwez, Tongres, Maastricht, Cologne ; Bavai vers Cambrai et Boulogne.
Le hameau est sur un diverticule (chemin secondaire) : venant de Maubeuge (Fr), Haulchin, Marge, Strepy, Ecaussines, Tubize, Beersel, St Gilles, Bruxelles. Il passe à Schaerbeek vers Machelen,
Vilvoorde, Louvain, Tirlemont, St Trond, Tongres, Maastricht et Cologne.
Cette importance stratégique et économique verra l’apparition de Bruxelles (9eme siècle), sur un autre gué, celui de la Senne (île St Gery). Paradoxalement, le développement rapide de Bruxelles laissera Schaerbeek en zone rurale et lui permettra de conserver son côté « village » quasiment jusqu’au début du 20e siècle, avec les nouvelles rues et quartiers (notamment l’avenue Louis Bertand).
Ce qui fit toujours la joie des peintres et autres artistes, comme l’atteste le nom de nombreuses rues de Schaerbeek. Les villages autour de Bruxelles seront longtemps lieu de villégiature pour les échevins, la noblesse ou la bourgeoisie bruxelloise.
Evangélisation :
Elle ne s’est pas faite dans cette région de façon rapide. Il n’y a pas de document sur cette époque trop lointaine. Mais avant le IVe siècle, il n’existe qu’une seule « ville » sur tout le territoire de ce qui sera la Belgique : c’est Tongres. On sait que le nom donné aux églises les plus anciennes est souvent celui de prédicateurs.
St Servais n’est sans doute jamais venu lui-même à Schaerbeek, mais son influence, sa réputation, portée par les moines, et le fait qu’il fut évêque de Tongres et devint le premier évêque de Maastricht peut l’expliquer.
Près de l’ancienne église St Servais, il y eut jusqu’à la fin du 19e siècle, une fontaine St Servais (Sint Servaes-borre, plus tard appelée fontaine d’amour). Au 3e, 4e s., les missionnaires luttèrent contre le paganisme local qui attribuait souvent un pouvoir magique aux arbres, sources, fontaines.
Certains pensent que c’est peut-être, un autre évêque de Maastricht, St Hubert, qui résida dans une «villa» à Tervueren, qui a voulu honorer un prédécesseur et qui aurait sorti la fontaine du paganisme en la mettant sous le patronage d’un évangélisateur, St Servais.
Les invasions des Francs retardèrent encore l’évangélisation. Mais en 313, le christianisme est devenu la religion de l’empereur Constantin. Fin du siècle, elle sera religion officielle de l’empire.
Oratoire local :
Dans les campagnes, il faut attendre le 5e s. pour voir apparaître des églises paroissiales.
Leur nombre augmente lentement jusqu’au 7e S. Avant cela, on ne trouvait que des chapelles, dépendantes de monastères. Bâties en matériaux de bois, elles sont souvent la proie des flammes.
A Schaerbeek, c’est à l’abbaye de Soignies (fondée entre 650 et 700 et alors en Province de Brabant) d’apporter l’Evangile, probablement au 7e s. Saint Vincent de Soignies a évangélisé le Nord de la future ville de Bruxelles. L’abbaye a donc possédé des terres à Schaerbeek, certainement à partir de 962 avec l’abbé de Soignies, St Brunon. La présence des clercs desservants amène la construction d’une maison et d’une chapelle.
L’autel de l’oratoire sera dédié à St Servais et celui d’Evere est dédié à St Vincent.
En entretenant ses terres et en les étendant, l’abbaye contribuera au développement du village.
Le développement de Bruxelles et celui du chapitre des chanoines de Ste Gudule fait étendre leur juridiction sur les zones rurales comme Schaerbeek.
Déclin de l’abbaye de Soignies à Schaerbeek :
On ne sait rien de la vie de la paroisse St Servais du 9e au 12e S.
En 1120, l’évêque de Cambrai, Burchard, évoque un litige concernant les oratoires de Schaerbeek et d’Evere et opposant Soignies au chapitre de Bruxelles. C’est d’ailleurs le tout premier document existant mentionnant le nom de Schaerbeek. On peut en déduire que le diocèse de Cambrai avait cédé la propriété des deux oratoires à l’abbaye de Soignies, mais sous forme de patronat.
L’évêque percevait une petite rétribution à chaque nomination de desservant et l’abbaye conservait le titre et le bénéfice de la cure. Elle choisissait aussi le desservant.
Pourquoi ? A l’époque, un bien d’église et son bénéfice pouvaient être vendus à des personnes privées. Les 2/3 de la dîme schaerbeekoise est aux mains de laïcs, les châtelains de Bruxelles, au nom des suzerains de la région, les comtes de Louvain. Ils les donnaient en fief à leurs vassaux, qui faisaient de même.
Ces donations ne se faisaient pas par bonté, mais parce que dès le 12e s, des décrets ecclésiaux interdisaient cette propriété personnelle d’une église, ou paroisse.
En 1174, par décision du pape Alexandre III, vraie charte religieuse de Bruxelles au Moyen-âge,
toutes les églises étaient soumises à l’ église- mère Ste Gudule, y compris celles apparues en dehors des remparts. C’est un vrai monopole. Et il fut vivement contesté par ces églises.
De plus, vers la fin du 12e s, suite à l’essor économique et à la réforme grégorienne, les abbayes anciennes, comme Soignies, perdent de leur prestige au profit de nouvelles institutions.
Pour Schaerbeek, ces deux éléments profitèrent aux moniales bénédictines de Forest.
Soignies essaya de faire confirmer sa propriété par les papes Lucius III et Urbain IV, mais en vain.
En 1245, le pape Innocent IV, déclare que la possession de la dîme de Schaerbeek est confirmée à l’abbaye de Forest qui l’a acquise des châtelains de Bruxelles et ses vassaux. (Celle de St Vincent reste propriété de Soignies.)
Même un ultime recours de Soignies à la protection spéciale de la duchesse Jeanne n’y suffira pas (1377).
En 1229, les habitants de Bruxelles s’étaient vus accorder par le duc Henri Ier une «Keure» (statut ou loi) surtout pour réguler les conflits souvent violents entre marchands ou habitants.
Plus tard, en 1301, Schaerbeek se voit accorder une «keure» par le duc Jean II. Elle fait de ses habitants des bruxellois. Cela durera jusqu’en 1795.
C’est dans la seconde moitié du 13e s. que fut construite la première église St Servais en matériaux durables. Depuis le milieu du siècle, en architecture, l’arc en plein cintre (roman) a cédé la place à l’arc en ogive (gothique). Le choeur de cette église St Servais, gothique ogival primaire,
a traversé 6 siècles. Il ne sera démoli qu’en 1905 pour la construction de l’Av. Bertrand.
Anecdote : Dès 1138, le duc Godefroid le barbu, rendra officiel l’usage des ânes pour les meuniers munis d’un diplôme. En fait, les ânes seront utilisés partout dans les environs de Bruxelles pour transporter les marchandises. Ils étaient particulièrement présents à Schaerbeek.
Quand les maraîchers de Schaerbeek venaient à Bruxelles par l’Ezelweg, ils seront appelés « les ânes de Schaerbeek », début de ce sobriquet.
Cloches Saint-Servais
Photos de la cloche « historique », datant de 1675, provenant de l’ancienne église Saint -Servais ( et que les allemands nous avait laissée lorsqu’ils étaient venus, le 6 juin 1944, nous prendre les quatre autres).